Un second tour des présidentielles vécu dans une ville au maire FN

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À Mantes la ville (Yvelines), une des onze villes françaises dirigées par le Front National, malgré une large victoire d’Emmanuel Macron (à 68 %), le FN a gagné 10 % de voix supplémentaires par rapport aux élections municipales.

Dimanche 8 mai, 17h, Mantes-la-Ville : la grisaille, la pluie et les électeurs sont au rendez-vous du deuxième tour des élections présidentielles dans cette ville des Yvelines, capitale mondiale des instruments à vent. Accolée à la mairie, l’école Jean Jaurès, doyenne de la ville, accueille quelques uns des bureaux de vote de la ville. Ici, la sécurité renforcée prévue par le gouvernement se résume à la présence de deux policiers municipaux et d’un agent de sécurité.

L’agent de sécurité, c’est Pierre Légré Zié, 60 ans. Vêtu de son Parka, de son écharpe noire, et de lunettes ruisselantes de pluie, un détecteur d’explosifs à la main, ce franco-ivoirien est posté devant le portail vert donnant sur la cour de récréation. « Je fouille et j’inspecte » chaque personne souhaitant se rendre au bureau de vote. Ces dernières années, on le voit intervenir régulièrement dans les événements locaux qu’organise la ville. Contrairement à ce qui se passe pour les autres événements, et même par rapport au premier tour, Pierre « ne sent pas de ferveur ou d’engouement particulier ». S’il devait comparer l’affluence à celle de la semaine dernière, Pierre voit « arriver les gens au compte-gouttes ». Pour lui, « le temps grisâtre doit jouer aussi ».

« Ayant été militant dans les années 80, j’aime ces ambiances d’élection », dit-il dans un large sourire. Quant à la question de savoir si les votants acceptent les contrôles, il avance : « Les gens comprennent du fait du contexte et obtempèrent facilement ». À peine sa phrase terminée, il s’accroche légèrement avec un couple ne voulant pas ouvrir leurs vestes. « Il fait froid ! » lui répliquent-ils. Pierre insiste. Ils obéissent finalement, non sans décrocher un « Tchip » (son caractéristique qu’on entend souvent dans les banlieues) des plus travaillés et si familiers aux habitants de cette ville. « Bon, c’est vrai que certains sont un peu agressifs et se sentent constamment assaillis. Pourtant, c’est la même consigne pour tout le monde. »

Une fois Pierre et sa sécurité passés, l’électeur rejoint un bureau de vote, une salle de classe. Dans la cour, les marelles peintes sur le sol, puis à l’intérieur du bâtiment les différents dessins d’enfants collés aux murs ainsi que les manteaux laissés à l’abandon redonnent un peu de baume au cœur dans la grisaille de ce jour d’élection.

Lui ne s’est pas abstenu, contrairement à un grand nombre d’électeurs de Mélenchon, mais, souligne-t-il « j’ai voté à contrecœur ». Cela ne l’empêche pas de dénoncer la déchéance du système politique : « Si on doit faire barrage au FN au second tour, c’est que c’est déjà trop tard. C’est encore plus vrai ici, dans une mairie FN ». Comment lutter ? Pour Romain « l’action locale est plus visible et plus efficace que l’action des gouvernements ». Son souhait, « voir se recréer le lien social à Mantes-la-Ville. Ça en manque cruellement ».
Il craignait particulièrement une victoire du Front National à l’élection présidentielle, car d’après lui, « si l’on se fie à l’exemple mantevillois sur la politique appliquée par le FN on peut être inquiet d’une telle politique à l’échelle nationale ». Il regrette notamment la vidéo-surveillance ou l’opération : « ma commune sans migrants » : « Ce type de décision n’a pas fait l’objet de référendum local qui est pourtant prôné par la présidente du FN ». Il en veut pour preuve la « chute de la délinquance de 30 % de 2009 à 2014 qui n’a pas empêché le nouveau maire de mettre en place encore plus de dispositifs de sécurité ». Il pointe aussi « l’idéologie politique de la mairie qui consiste à appliquer des décisions dictées par le parti FN sans prise en compte du contexte local. » Romain compte d’ailleurs s’impliquer dans la prochaine liste de la France Insoumise aux prochaines élections législatives.

19h30 : début du dépouillement. Jean 23 ans, Mantevillois de naissance, se rend une nouvelle fois au bureau de vote, après y avoir voté plus tôt dans la journée. Il y revient pour dépouiller et comptabiliser les votes, comme 8 autres assesseurs présents ce soir-là. Ce bureau de vote, c’est la salle de classe qu’il a fréquentée 10 ans plus tôt : « ça me rappelle des souvenirs de revenir ici ». La classe a tout de même quelque peu changé d’allure. Les enfants sont remplacés par des assesseurs, il n’y a plus que deux tables pour accueillir les présents, et les cahiers se sont transformés en enveloppes, dont nombre d’entre elles contenaient des bulletins nuls ou blancs. L’ambiance est « bon enfant ». Le résultat national de 20h n’a pas soulevé l’enthousiasme des personnes présentes, preuve ici du manque de suspense ou d’engouement que ce second tour a suscité chez les Mantevillois.

Jean, quant à lui, a voté « Macron au second tour après avoir voté Dupont-Aignan au premier. » Il n’a pas du tout aimé cette élection : « Je n’ai à aucun moment effectué un vote d’adhésion ». Indécis jusqu’à l’isoloir, il fait partie de ces Français estimant que les élections « servent de plus en plus à rien ».

Le dépouillement prend fin. Emmanuel Macron arrive en tête à Mantes-la-Ville, avec 68 % des voix, devançant largement Marine Le Pen et ses 31%. Bien qu’on note une augmentation du nombre des voix du FN en comparaison de l’élection municipale de 2014 (avec 2289 voix contre 2027 en 2014), les votes blancs ou nuls représentent presque 10% du scrutin : « J’ai trouvé 4 bulletins de vote Mélenchon » explique en riant Jean. « Mais le meilleur, c’est le bulletin avec écrit « Joyeux Anniversaire à ma petite Apolline !!! ».

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