Parole de prof de REP(+)

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A Mantes-la-Jolie, Monsieur Fahem enseigne les mathématiques depuis 16 ans au collège de Gassicourt, qui accueille de nombreux enfants du quartier du Val-Fourré. C’est dans sa salle de classe qu’il accepte de me livrer sa vision de l’enseignement dans les quartiers populaires.

Pourquoi avez-vous choisi d’enseigner en réseau d’éducation prioritaire pendant toutes ces années ?

Je suis habitué aux élèves de ZEP et maintenant de REP. Je me trouve plus utile ici. J’ai travaillé à Cézanne (autre collège du Val-Fourré) avant d’être à Gassicourt. Auparavant j’ai eu l’occasion de travailler dans des collèges plus huppés, là-bas je ne me sentais pas bien, je ne me sentais pas proche des élèves ni même des parents d’élèves. On contestait mes choix, les élèves voulaient avoir une meilleure note que celle du voisin sans prendre la peine de comprendre la raison de leur échec. Ici, les élèves acceptent leurs résultats et veulent évoluer et progresser pour la plupart : c’est pour ça que je me sens plus utile.

Comment expliquez- vous l’échec d’un grand nombre d’élèves ?

Malheureusement cet échec est souvent dû à la situation sociale et familiale de l’élève. Ce dernier n’arrive pas à oublier ce qu’il vit chez lui en se rendant à l’école, et cela a un impact direct sur sa scolarité. En sixième ils s’accrochent, ils ont vraiment envie de réussir mais petit à petit l’écart se creuse. Ici on essaye de mettre en place des heures de soutien personnalisé deux voire quatre heures par semaine. Le problème c’est que beaucoup de parents ne nous font plus confiance pour accompagner les élèves et ils préfèrent les placer dans des associations qui n’ont pas forcément la bonne pédagogie. Alors je ne dis pas que c’est la faute des autres, pour moi c’est également notre devoir d’intéresser d’avantage les élèves et d’instaurer de nouvelles habitudes de travail tant ici que dans ces associations.

Lors de vos cours essayez-vous de tester d’autres méthodes de pédagogie ?

Je teste tout. J’essaye déjà d’encourager les élèves à s’impliquer en cours en leur donnant des notes de participation. J’essaye ensuite de les faire travailler par groupes de niveau en leur donnant des exercices différents. Malheureusement en tant que professeurs nous sommes face à un dilemme, avancer dans le programme ou personnaliser l’accompagnement des élèves. Quand je suis pris par le temps et que je dois avancer, j’essaye de lier les chapitres les uns entre les autres et montrer qu’on peut utiliser les compétences acquises de différentes manières. Cela permet également de moins lasser les élèves qui n’aiment pas rester trop longtemps sur le même chapitre. Parfois les élèves ont juste besoin d’un déclic ou d’un coup de pouce pour avancer et c’est notre rôle de le soutenir et le guider pour qu’il ne lâche pas.

Comment intéresser d’avantage les élèves ?

D’abord par des choses abordables. Pour les mathématiques, il faut leur parler de choses qu’ils connaissent, leur montrer qu’on peut appliquer les compétences acquises en cours dans la vie courante. Quand l’élève ne sait pas pourquoi il apprend quelque chose il est perdu et il ne fait plus d’efforts.

Y a‑t-il selon vous une fuite des bon élèves vers d’autres collèges plus réputés ?

Il y a des parents d’élèves qui veulent fuir les établissements de quartier et préfèrent mettre leurs enfants dans le privé à la fin de l’école primaire ou du collège. D’autres demandent des dérogations pour les envoyer au collège du centre ville. Mais on a toujours nos cerveaux et je vois tous les ans des élèves de Gassicourt qui excellent dans le supérieur. Beaucoup de nos anciens élèves obtiennent des mentions très bien au bac ou étudient dans des écoles supérieures prestigieuses. Pour moi, l’école publique donne toutes les clés pour réussir c’est pour ça que je n’ai jamais voulu envoyer mes propres enfants dans le privé.

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